Il était comme une greffe.
Comme un petit morceau de mon cœur qu’on avait remplacé insidieusement des années auparavant sans que je m’en aperçoive.
Il était comme un corps étranger greffer au mien. Mon esprit faisait tout pour s’en débarrasser mais mon cœur se prescrivait seul les médicaments antirejet.
J’ai mis du temps à me rendre compte de cet infime changement, à voir ce petit endroit où il avait pris place, où il avait cicatrisé en m’abimant moi, dans ma chair et dans mon âme.
Il m’avait fait découvrir des choses, c’est indéniable. Des choses sur moi, que je n’appréciais pas forcément d’ailleurs, des choses sur les autres, sur la politique, sur les sciences sociales, sur le cinéma.
C’est lui qui m’a appris à avoir mal et à aimer ça. Je pensais guérir à ses côtés alors que j’apprenais juste à me complaire dans ma douleur.
Et pourtant je ne lui en veux pas.
Je cherche toujours à le croiser « par hasard » quand je passe près de chez lui. Je me demande souvent ce qu’il penserait de ça, est ce qu’il avait lu le même article, qu’est-ce qu’il pourrait penser de moi à un instant T.
Il s’était incrusté par tous les pores de ma peau tandis que j’essayais de le nier le plus fort possible.
Je voulais qu’il sache que j’existais encore, que j’étais encore là, que je pensais encore à lui alors qu’il avait dû m’oublier.
Ça fait des années maintenant mais il était comme un petit tatouage un peu caché, un peu honteux quand on le pointe du doigt mais qu’on chérie au plus profond de soi.
Il était comme ce sujet qu’on déteste aborder avec d’autres mais sur lequel on adore réfléchir seul.
Il est comme une greffe.
Une anastomose réalisée des années auparavant, qui sera toujours là. Qu’on a du mal à s’approprier car ce n’est pas de notre ADN mais ça l’est devenu, et ça le restera, quoi qu’on en dise ou que l’on veuille.
Claire Deconihout